Jérusalem et toute la Palestine, avec les lieux saints islamiques et chrétiens, représentent un modèle et un symbole d’existence et de coexistence religieuse, civilisationnelle et humaine. Le fait de porter atteinte au caractère sacré de la ville et de violer ce symbole menace la paix des nations et des religions dans le monde.
Depuis la chute de la ville de Jérusalem sous l’occupation sioniste, la ville sainte a été soumise à des plans visant à la judaïser, à changer son identité, à effacer ses caractéristiques arabes, à remplacer les maisons de ses habitants d’origine par les colonies et à imposer la division temporelle et spatiale du Mont du Temple. Enfin, et récemment, il s’agissait d’imposer des mesures arbitraires contre les musulmans pour les empêcher d’entrer dans la mosquée bénie d’Al-Aqsa.
Le schéma de la judaïsation continue sans arrêter ; en raison de l’échec de la communauté internationale et des puissances mondiales à faire face aux violations de l’occupation, à sa violation des résolutions internationales, au soutien continu qui lui est apporté, à la prévention et à la perturbation de toute résolution internationale qui la tient responsable de ses agressions et de ses crimes. Les Etats-Unis ont osé même reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’entité sioniste occupante. Ce qui a poussé Al-Azhar Al-Sharif, ainsi que de nombreuses personnes éprises de paix dans le monde, d’exprimer leur rejet et leur dénonciation. Cette décision a été suivie de la déclaration du Président américain, dans une démarche irresponsable, de la décision de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem. Il s’agit d’une une reconnaissance injuste que Jérusalem est la capitale de l’entité sioniste occupant les territoires arabes palestiniens.
Partant de la responsabilité religieuse assumée par Al-Azhar Al-Sharif, et de la confiance qu’il porte avec fierté depuis plus depuis plus de mille soixante-dix ans, en défendant les causes de la Oumma et toutes les causes humaines justes, en particulier le droit du peuple palestinien à recouvrer pleinement ses droits, ses lieux saints et sa terre historique.
Le Grand Imam, Professeur Ahmad Al-Tayeb, Cheikh d’Al-Azhar, a décidé de tenir une conférence internationale sous le titre : « Conférence mondiale d’Al-Azhar pour soutenir à Al-Qods », les 17 et 18 janvier 2018 au Caire, rassemblant un certain nombre d’organisations et d’organismes internationaux concernés par la question de Jérusalem et toutes les personnes épris de paix dans le monde entier pour examiner les mécanismes pratiques pour soutenir la dignité des palestiniens, protègent leur terre, préservent l’identité des saintetés religieuses et repoussent l’arrogance sioniste qui défie toutes les résolutions internationales et provoque les sentiments de plus de quatre milliards de musulmans et des chrétiens à travers le monde.
Un certain nombre de présidents, ministres, chefs et dirigeants religieux de nombreux pays du monde ont participé à la conférence, en tête Son Excellence le Président Mahmoud Abbas, Président de l’Etat de Palestine, M. Ahmad Aboul Gheit, Secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, M. Marzouq Al-Ghanim, Président de l’Assemblée nationale du Koweit, et Sa Sainteté le Pape Théodore II, Pape d’Alexandrie et patriarche du Siège de Saint-Marc, et M. Olaf Fix, ancien secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises, et une délégation du mouvement Nakoi Karta antisionisme.
Au Nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux
Allocution du son Éminence le Grand Imam,
Prof. Dr. Ahmad al-Tayeb, Cheikh al-Azhar
Et Chef du Conseil des Sages Musulmans
Lors de
La « Conférence internationale d’Al-Azhar pour le Soutien d’al-Quds (Jérusalem) »
Tenue au Centre d’Al-Azhar pour les Conférences
À Madinat Nasr
Le Caire
De : 29 de Rabiʿ Al-Akhir au 1er Jumada al-Awal 1439H
(17-18 janvier 2018 ap.JC)
Au Nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux
Louange à Allah ! Salut et bénédictions sur notre Messager Mohammad, sur sa Famille, sur ses Compagnons et sur ceux qui ont bien suivi son chemin.
Son excellence Mr. le président/ Mahmoud Abbas — chef de l’État palestinien,
Honorables invités,
Excellences, Éminences et Béatitudes,
Mesdames et messieurs,
Honorable présence !
Que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur vous… Soyez les bienvenus en Égypte, votre pays, et au sein d’Al-Azhar al-Sharif. Nous vous remercions d’avoir accepté de participer à cette Conférence internationale générale sur le thème : « Le soutien d’al-Quds (Jérusalem) al-Sharif » et de la Mosquée à al-Aqṣa, première des deux qiblas (direction de la prière) et troisième des deux Mosquées Sacrées, et masra du Prophète, à lui bénédictions et salut, fait al-isrâ’, (le Voyage Nocturne). Cette conférence se tient sous les auspices de son excellence Monsieur le Président/Abdel Fattah Al-Sissi, président de la République Arabe d’Égypte, qui soutient, tout comme le peuple égyptien, la cause de la Palestine aimée et de son peuple, surtout dans un moment où surviennent récemment les complications des politiques injustes et des décisions irresponsables. Alors, nous invoquons sincèrement Allah d’accorder à son excellence, à tous les dirigeants arabes et musulmans et à tous les honnêtes gens du monde entier soucieux de la cause de la Palestine, de son peuple, de ses territoires et de ses Lieux Sacrés, la réussite, la force et la fermeté tenace qui ne s’incline que pour atteindre la vérité, la justice et l’équité envers les opprimés. De même, nous saluons Mr. le Président/Mahmoud Abbas, chef de l’État palestinien. Nous le soutenons et l’invitons à plus de résistance et de persistance.
Mesdames et Messieurs,
Depuis avril 1948 du dernier siècle, Al-Azhar al-Sharif tient des conférences successives sur le thème de la Palestine, de la Mosquée al-Aqṣa et des lieux Saints des chrétiens à al-Quds (Jérusalem). Ces conférences se sont succédées et ont atteint le nombre de onze conférences tenues entre 1948 et 1988. C’est à ces conférences qu’ont participé de grands penseurs et ulémas musulmans et chrétiens venant de l’Afrique, de l’Europe et de l’Asie et y ont présenté des recherches tellement précises, profondes et détaillées exprimant l’angoisse et la douleur ressemblant à celles d’un tuberculeux qui a perdu médicaments et dont la maladie devient de plus en plus incurable.
À chaque fois, ces conférences exprimaient le rejet de l’agression sioniste contre les Lieux Sacrés musulmans et chrétiens et de l’occupation de la Mosquée al-Aqṣa. Cette entité sioniste a incendié la Mosquée al-Aqṣa tout en violant sa sacralité par les excavations, la construction des tunnels et la perpétration des massacres sur son esplanade. Ces Conférences exprimaient aussi le rejet de la destruction et de la violation des monuments chrétiens dont les églises, les monastères, les abris et les cimetières à al-Quds, à Tibériade, à Jaffa (Yafa) et à d’autres lieux .
Aujourd’hui, Al-Azhar appelle à la douzième conférence trente ans après celle tenue sur le thème de la question palestinienne et des Lieux Sacrés islamiques et chrétiens. Malgré sa grande richesse grâce à la présence des esprits lumineux, des consciences éveillées venant de l’Orient et de l’Occident, nous ne nous attendons pas à ce que notre conférence d’aujourd’hui ajoute de nouvelles perspectives à ce qui a été déjà dit et écrit sur notre « question » avec toutes ses dimensions scientifiques, historiques et politiques. Mais, il suffit de dire que cette conférence tire la sonnette d’alarme et revivifie la flamme de la résolution et de la détermination d’une part et le consensus des arabes, des musulmans, des chrétiens, des sages et des honnêtes gens dans le monde sur la nécessité de résister à l’agression sioniste barbare au 21ème siècle d'autre part, une agression soutenue par des politiques internationales qui tremblent si elles pensent à se libérer de ce que dictent l’entité sioniste et les politiques adoptant une telle attitude. De ma part, je suis fermement convaincu, comme le disent les théologiens, que toute occupation est vouée, tôt ou tard, à la disparition même si celle-ci paraît actuellement impossible. Pourtant les jours bons et mauvais alternent parmi les gens. Le sort de l’usurpateur est tellement connu et la fin de l’injuste est assurée et confirmée même si l’on attend longtemps.
Référez-vous alors à l’histoire de Rome en Orient ! Interrogez l’histoire des Perses à l’Est de l’Arabie ! Examinez aussi l’histoire des expéditions des Francs (connues en Occident sous le nom des Croisades) qui se sont bien installées deux siècles en Palestine. Référez-vous également à l’histoire des pays qui se vantaient en disant que le soleil ne se couche jamais sur leurs colonies. Interrogez également l’histoire de la colonisation européenne qui a vu sa fin au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Égypte, au Levant, en Iraq, en Inde, en Indonésie et en Somalie… Interrogez l’Afrique du Sud et son régime de ségrégation raciale et les conséquences auxquelles il a abouti. Interrogez enfin tous ceux-ci pour savoir, à nouveau, que tout agresseur verra certainement sa fin, et que toute puissance autoritaire est, selon Ibn Khaldoun, vouée à la décadence.
Et notre poète arabe a dit vrai quand il s’est crié :
Les nuits, comme tu les as connues sont remplies
et enceintes de tout ce qui fait naître tout prodigue
.
En effet ceci est une vérité universelle et une loi divine. S’en douter sera considéré comme un « mépris de la science, de la raison et de l’honnêteté de la réflexion. »
Néanmoins, cette vérité est intrinsèquement liée à une autre qui la précède et la fait naître. Il s’agit donc de la disposition de la force qui terrifie l’agression, brise son orgueil et l’oblige à rétablir ses calculs et à bien réfléchir avant de pratiquer ses abus, sa tyrannie, son cynisme et son despotisme. Malgré tout, Allah Sait que nous sommes des promoteurs de paix, mais il s’agit d’une paix basée sur la justice, le respect, le fait de donner les droits aux ayants droit, des droits qui n’acceptent ni vente, ni achat, ni négociation. Il s'agit également d’une paix qui ne connaît ni humiliation, ni soumission, ni aucune atteinte à ses territoires et à tout ce qui est sacré, d’une paix soutenue par la force due à la science, à l’enseignement, à l’économie, au contrôle des marchés, à l’armement qui rend cette paix capable de répondre pareillement (à toute attaque) et à amputer toute main qui essaie de nuire à son peuple et à ses territoires.
Si on est obligé, dans notre époque, de voir vivre parmi nous un ennemi intrus qui ne comprend que la langue de la force, nous n’avons aucune excuse, ni auprès d’Allah ni devant de l’histoire, de rester faibles, soumis et humiliés alors que nous détenons, si on le veut, tous les facteurs de la force et toutes ses ressources matérielles et humaines.
Je fais partie de ceux qui sont convaincus du fait que ce n’était pas l’entité sioniste qui nous a battus en 1948, en 1967 et dans les autres guerres et affrontements, mais c’est plutôt nous qui sommes à l’origine de notre propre défaite en raison de nos erreurs de calcul, de notre courte vue qui ne nous permet pas de bien estimer les dangers, de notre nonchalance là où on doit agir sérieusement. En effet, une nation, dont l’appartenance est fragmentaire et dont l’identité et les tendances sont déchirées, ne saurait point faire face à une entité qui combat tout en ayant une foi ferme sous un seul étendard, voire même la vaincre et faire tomber son étendard : Allah, le Très Haut, dit à ce propos : « Ne vous livrez pas entre vous à des disputes qui entameraient votre union et compromettraient vos chances de succès ! »
Honorable présence,
Je suis tellement conscient que mes propos n'apportent pas de neuf. Ils jaillissent plutôt des douleurs et des malheurs. Leur écho ne dépasse pas celui des discours des grands leaders de la politique, de la science, de la pensée et des médias qui ont déjà frappé les oreilles tout au long de soixante-dix ans, sans rien changer de la réalité ni brider la convoitise frénétique de dévorer et d'absorber (d’autres pays) ni exprimer les sangs versés ainsi que les sacrifices, les souffrances, les douleurs éprouvées que subit le peuple palestinien, jeunes, femmes et enfants dans les prisons et les lieux de détention dans une sorte de résistance irréductible, de patience inépuisable et de détermination sans répit ni relâche.
On pourrait alors dire la même chose à l'égard de mon propre discours ou de notre conférence. Mais, je crois que vous êtes d'accord avec moi sur le fait que la conférence d'aujourd'hui diffère beaucoup de celles précédentes, car elle intervient dans des circonstances et dans un contexte qui ressemblent à des nuages gris qui annoncent des pluies torrentielles. On a alors commencé le compte à rebours de la division, de la fragmentation et de l’effritement de la région pour faire de l'entité sioniste le policier dans toute la région qui devrait être entièrement soumise à ses ordres, et qui décide ce qu'elle décide ou ce qu'elle lui dicte de décider. Dans un tel cas, la région n'a qu'obéir et soumettre. Or, un regard sur les complots tramés contre le monde arabe sur les rives de l'Océan atlantique, aux entrées de la Mer Rouge et sur les rives du côté est de la Méditerranée et ses étendues, au Yémen, en Iraq, en Syrie nous fait comprendre que la situation est extrêmement délicate et que la répétition des discours et la rumination des slogans ne conviennent plus à l'ampleur des stratagèmes tissés contre nous. Alors, si nous nous mettons à l'affronter toujours de la même manière exercée depuis soixante-dix ans, les générations futures vont nous maudire et nos descendants auront honte que nous sommes leurs parents et ancêtres. Si j’ai à formuler un espoir que nous devrions réaliser, je dis que cette conférence doit aboutir à des conséquences pratiques et exceptionnelles à partir desquelles les énergies seront investies et les efforts seront bien organisés, si minimes soient-ils.
La première chose, qui est la plus importante, est la reprise de conscience de la cause palestinienne en général et de celle de Jérusalem en particulier. La réalité amère est que les matières scolaires dans nos programmes pédagogiques et éducatifs, dans les différents cycles de l'enseignement, sont incapables de former la moindre prise de conscience de cette cause dans les esprits des millions de jeunes arabes et musulmans. Contrairement aux jeunes des colonies sionistes pris en charge par des programmes éducatifs, des matières scolaires, des cantiques et des prières qui forment leur vocation hostile et alimentent leur racisme et leur haine envers tout ce qui est arabe et musulman, il n'y aucune matière scolaire destinée à faire connaitre l'importance de la cause palestinienne, son passé, son présent et son influence sur l'avenir de nos jeunes qui doivent prendre le relais et défendre la Palestine sans en savoir la moindre chose. Ce manque est le même dans les médias dans notre monde arabe et musulman. Parler de la Palestine et de Jérusalem ne dépasse donc pas une des nouvelles dans les informations télévisées ou un reportage monotone de l'un des correspondants et dont les effets disparaissent une fois l'information est passée et l'animateur passe à une autre nouvelle.
Quant à ma deuxième proposition, elle se résume en ce qui suit : face à la décision qu'a prise le président américain, refusée de la part de plus de 128 pays et condamnée par tous les peuples de la terre qui aiment la paix, nous devons mener une nouvelle réflexion arabe et musulmane qui s'articule autour de l'arabité d'al-Quds, de l'inviolabilité de ses lieux sacrés musulmans et chrétiens et de la nécessité de les attribuer à ses vrais possesseurs (les Arabes). Cette affirmation doit se transformer en une culture locale et mondiale pour laquelle doivent se mobiliser les médias arabes et islamiques qui sont tellement nombreux. En réalité, c'est le domaine où l'ennemi a pu nous faire subir une défaite et où il a pu réussir.
D'autre part, nous ne devons pas hésiter à traiter la cause palestinienne dans une perspective religieuse, musulmane ou chrétienne. Il est donc plus bizarre de marginaliser l'aspect religieux dans notre approche de la cause palestinienne alors que toutes les cartes de l'entité sioniste sont si religieuses qu'celle-ci ne dissimule point et ni ne les considère point comme une sorte de hontes. Cette entité sioniste n'a, entre les mains, de quoi justifier son usurpation des territoires palestiniens qui la dénient, elle et ses pères et ancêtres, que l'hallucination due à des textes et à des mythes religieux dont elle se sert pour justifier l'agression, rendre licite les sangs, l'honneur et les biens d'autrui. Qu’y a-t-il donc entre les mains du sionisme chrétien moderne qui soutient cette entité et lui assure tout ce dont elle rêve autre que de fausses explications religieuses que rejettent et nient catégoriquement les pères de l'Église et les savants du Christianisme ainsi que ses moines et prêtres.
La proposition, que je vous présente ici afin de l'examiner et de l'évaluer, est de consacrer l’an 2018 ap. J-C pour être l’Année d'al-Quds al-Sharif. L'objectif en est de le faire connaître, de soutenir matériellement et moralement al-Maqdissiayyīn (les habitants arabes d’al-Quds) et d'organiser des activités culturelles et médiatiques continues par les organisations officielles telles que la Ligue Arabe, l'Organisation de la Coopération Islamique, les institutions religieuses, les universités arabes et islamiques et les organisations de la société civile et d'autres encore.
Je conclus mon discours en adressant un appel à la Ūmma "la communauté" dont l’élite doit être consciente qu’elle est visée dans sa religion, dans son identité, dans ses programmes éducatifs et pédagogiques, dans l’unité de ses peuples et dans son vivre ensemble. C’est à la Ūmma donc de compter essentiellement sur soi-même, de reprendre confiance en Allah (Gloire à Lui), puis en soi-même et en ses potentialités, de ne point se confier aux promesses des injustes demeurant en Outre-mer et qui nous ont tourné le dos et franchi toutes les lignes rouges. À ce propos, Allah (Gloire à Lui) nous dit " Ne vous rangez pas du côté de ceux qui commettent des injustices, de peur que le Feu ne vous atteigne ! Et vous n’aurez alors point d’allié en dehors de Dieu ni de protecteur" sourate Hūd, verset nº 113
Merci pour votre attention
Que la paix et la miséricorde d'Allah soient sur vous
Fait le 28, Rabiʿ al-Ākher, 1439H, Le 16 janvier 2018 ap. J-C.
Ahmad al-Tayyeb
Cheikh de l'Azhar