Lors d'une rencontre publique importante, le Cheikh d'Al-Azhar s'adresse aux jeunes d'Indonésie et à ses oulémas sur l'importance cruciale de l'unité de la Ummah (communauté musulmane) dans la gestion des crises.

في لقاء جماهيري حاشد.. شيخ الأزهر يحاضر شباب إندونيسيا وعلمائها حول محورية وحدة الأمة في مواجهة الأزمات.jpg

Le Cheikh d'Al-Azhar compare la « civilisation islamique » à une « braise ardente » qui ne s'éteint pas malgré les accumulations des difficultés.
Le Grand imam  déclare :
« Nous ne connaissons aucune civilisation ayant survécu pendant 14 siècles face aux coups meurtriers en dehors de de la civilisation musulmane.
« La Umma, qui a éclairé la voie de l'humanité, s'est retrouvée quelque peu affaiblie et repliée sur elle-même.
« La dissension et les conflits internes sont les points faibles qui ont permis aux colonisateurs de pénétrer les pays musulmans.
« Nous mettons en garde contre un phénomène susceptible de détruire la communauté musulmane et de l’anéantir complètement  : il s'agit d’oser d’accuser de mécréance, de perversité et d’innovation hérétique afin de rendre licite le versement du sange des âmes et de porter atteinte à l’honneur et aux biens d’autrui. » 
L'Université Islamique de Sharif Hidayatullah à Jakarta a organisé aujourd'hui, mardi, une rencontre publique avec Son Éminence le Grand imam, le Professeur Ahmed al-Tayeb, Cheikh d'Al-Azhar, Chef du Conseil des Sages Musulmans, à l'occasion de sa visite en Indonésie. Cet événement a réuni des professeurs de l'université, des chercheurs, des étudiants indonésiens de diverses universités, ainsi que plusieurs ministres, ambassadeurs et responsables d'institutions religieuses, sous le patronage de M. Joko Widodo, Président de la République d'Indonésie.

Dans son discours lors de cet événement public sur le thème « L'unité de la communauté face aux défis », le Cheikh d'Al-Azhar, Chef du Conseil des Sages Musulmans, a affirmé que notre Umma, qui a éclairé le monde entier après avoir été   plongé dans les ténèbres de tous côtés, a rectifié le parcours  de l'humanité avec le noble Coran et son Prophète sublime, et a redonné à l'humanité la voie de la vérité, dont la nuit est comme le jour et à laquelle seul le perdant s'écarte. Cette Umma souffre maintenant, comme vous le savez, des symptômes ressemblant à ceux des maladies endémiques. À peine une plaie est-elle soignée qu'une autre, voire une centaine d'autres, apparaissent. Celui qui médite sur la grandeur de la civilisation musulmane, fondée sur la justice et l'équité, s’étonne de la situation (catastrophique) à laquelle elle aboutit.. Bien qu'elle n'ait pas disparu ni été anéantie, elle a certainement connu un affaiblissement et un repli dont ses propres enfants, avant ceux des autres, ne peuvent manquer de percevoir les signes.

Son Éminence a ajouté que parmi ce qui nous étonne davantage dans cette civilisation est qu’elle, même au moment où elle souffre de faiblesse, ressuscite un espoir illimité à la réhabilitation, à la revivification et au renouveau( tajdīd). Cette civilisation est donc comparée à une « braise ardente» qui ne s'éteint pas malgré les accumulations des difficultés à travers sa longue histoire brillante. Jusqu’alors, les humains ne connaissent aucune civilisation ayant survécu pendant 14 siècles face aux coups meurtriers en dehors de la civilisation musulmane.
Son Éminence a ajouté que cette civilisation, dont le passé est glorieux, a vu ses fortunes se renverser aujourd'hui : elle a commencé à quémander au monde occidental sa philosophie, sa culture, et ses méthodes en éducation, en société et en économie, comme si ses membres étaient une nation barbare surgie des tombeaux de l'histoire, et dépourvue de tout savoir, de toute littérature, de toute philosophie, de toute législation, de toute histoire ou de tout art et comme s'ils n'avaient rien enseigné l'humanité entière ni n’avaient apporté au monde, tant à l'est qu'à l'ouest, une civilisation raffinée pendant de longs siècles. Le mal de cette nation est les dissentions, le désaccord et le conflit interne. Il s’agit donc d’une maladie maligne  qui a longtemps été le point faible qui a permis aux colonisateurs de pénétrer les pays musulmans au cours des deux derniers siècles, et c'est cette maladie maligne  par lequel le colonialisme occidental tente de s'infiltrer de nouveau au XXIe siècle.
Le Cheikh d'Al-Azhar a également souligné que le dicton « Diviser pour régner », que nous avons appris dans notre jeunesse, est aujourd'hui réutilisé sous des bannières telles que le choc des civilisations, le chaos créatif, la mondialisation, la fin de l'histoire, et d'autres slogans érigés ici et là dans les pays musulmans pour qu'ils soient tués sous ces prétextes ou pour qu'ils se battent entre eux au nom du nouveau colonisateur. Pendant ce temps, le noble Coran, que nous récitons matin et soir, que nous nous efforçons de faire mémoriser à nos enfants, et dont nous sommes fiers de la capacité de nos enfants à le mémoriser et à le réciter, avertit les musulmans et les appelle jour et nuit à agir de la façon suivante : « Obéissez à Allah et à Son Messager et ne vous disputez pas, sinon vous échoueriez et vos forces s'en iraient. Soyez patients, car Allah est avec les patients » [Sourate Al-Anfāl (les butins), 46].
Son Eminence le Grand imam a posé une question qui devrait interpeller chaque chercheur préoccupé par cette question : comment les musulmans peuvent-ils parvenir à la paix entre eux ? Il a ajouté que cette question douloureuse est posée aujourd'hui de manière sombre, voire très sombre. Il suffit de souligner que le discours relatif à la Da‘wa et aux prédicateurs, censé réunir les musulmans, est souvent devenu le principal responsable de la division et de la fragmentation des musulmans. La dispute entre les jeunes musulmans est devenue intense : combien de courants en matière de prédication sont derrière l'antipathie, la rivalité et l'hostilité entre les jeunes musulmans ? Où sont passées les questions cruciales de la nation dans les préoccupations de ces jeunes prédicateurs et prédicatrices ? Ne méritent-elles pas une seule session de leurs conférences, qui semblent parfois interdire le licite et autoriser l'illicite ? Une de leurs sessions qui semblent presque interdire le licite et autoriser l'illicite ?
Son Eminence a poursuivi : « Nos jeunes sont-ils aussi informés sur Jérusalem et la Mosquée Al-Aqṣa, et les souffrances qu'ils endurent, que sur les différences entre l'ash‘arisme, le salafisme et le soufisme ? Sont-ils aussi préoccupés par la situation de leur communauté que par les questions controversées et futiles d'une époque révolue ? S'engagent-ils dans leurs études universitaires avec autant de dévouement qu'ils le font pour les livres ou brochures de tel ou tel prédicateur ? Et comment nos jeunes se détournent-ils d'une obligation impérative, à savoir l'unité des musulmans, pour se consacrer à une jurisprudence où le recommandable se mélange avec l'obligatoire, le détestable et  l'interdit ?

Le Cheikh d'Al-Azhar a souligné que les différences entre les cinq prescriptions (ou jugements) ont estompées, voire presque disparu, et que la famille dans la société islamique est préoccupée par des questions spécifiques non obligatoires, tout en négligeant complètement des questions fondamentales de grande importance dans la législation islamique, telles que le respect des parents, la bienveillance envers le voisin, la valeur du travail, du temps, de la propreté, de la miséricorde envers les gens, et d'autres obligations éthiques et sociales qui ont été reléguées au bas de la liste des devoirs religieux dans cette jurisprudence étrange. Un autre facteur qui pousse la communauté dans cette direction désespérante est la tentative évidente de manipuler la jurisprudence des quatre imams et d'imposer une nouvelle jurisprudence qui exige des gens des choses qui ne sont pas obligatoires et qui n'ont pas de sens, comme la prière surérogatoire avant la prière du Maghreb ou la zakat al-fitr avec un seul type de céréales, ce qui est inacceptable pour les masses de la communauté et n'a jamais été pratiqué dans leurs mosquées auparavant, et qui n'est pas reconnu par nos jurisconsultes agréés.
Son éminence a attiré l'attention sur le fait qu'il est nécessaire de s'arrêter longuement sur un phénomène qui pourrait détruire la société islamique et l’anéantir complètement, si ce phénomène n'est pas confronté à une jurisprudence correcte et un savoir pur et explicite. Il s'agit d’oser d’accuser de mécréance, de perversité et d’innovation hérétique afin de rendre licite le versement du sange des âmes et de porter atteinte à l’honneur et aux biens d’autrui. » Comment peut-il être acceptable qu'une telle pensée se répande au sein d'une communauté dont les savants et les imams des trois écoles se sont mis toujours d’accord sur la maxime dorée que nous avons apprise dans les couloirs de l'Al-Azhar quand nous étions jeunes : Nous ne déclarons personne de la communauté des croyants comme non-croyant, nous prions derrière tout homme juste ou immoral, et seule la négation de ce qui a été admis comme islamique peut exclure quelqu'un de l'islam,' parmi d'autres principes qui ont préservé la cohésion et l'unité de la communauté à travers l'histoire. Ces principes sont issus des paroles du Prophète ﷺ dans un hadith authentique : « Celui qui fait notre prière, se tourne vers notre Qibla et mange notre viande sacrifiée, est un musulman qui a droit à la protection d'Allah et de Son Messager. Ne trahissez pas Allah dans Sa protection. »
En conclusion de son discours, Son Éminence le Grand imam a appelé les membres de la communauté à la diligence et au travail, en affirmant qu’il est temps de venir concentrer sur le travail et l'action, et non sur les discours et les sermons. Les nations autour de nous travaillent dans un silence inquiétant et avec une grande stratégie et ruse alors que nous sommes fatigués des discours qui ne se traduisent pas en actions concrètes. Je vous rappelle la maxime dorée de l'Imam de Dar al-Hijra, notre Imam Malik – qu'Allah l’Agrée - lorsqu'il  dit : « Je déteste les discours sur ce qui n'est pas accompagné d'une action concrète."

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