Nous avons appris à Al-Azhar que l’existence d’Allah, le Tout-Puissant, dépend d’abord de l’évidence de la raison et de ce qu’elle exige d’examen, de raisonnement analogique et de déduction, et qu’elle ne dépend pas - d’abord et en particulier- de la Révélation, mais plutôt de la raison. C’est sur celle-ci que la connaissance d’Allah, le Très-Haut, est essentiellement basée. D’ailleurs, le discours, qu’adopte le Coran dans ses prescriptions en matière de pratiques cultuelles ou de transactions et qu’il adresse aux hommes, repose en premier lieu sur la raison. C’est pourquoi les termes « al-‘aql (la raison), al-‘ilm (la science) et ma‘rifah (le savoir) et leurs dérivées se répètent 865 fois dans le noble Coran. C’est en fait un avantage qui n’est attribué à aucun autre vocabulaire coranique.
Cependant, si le Coran a montré que la raison est le moyen qui nous permet d’atteindre la foi en Allah, cela ne signifie pas qu’il a négligé la nature primordiale, fiṭrah, qui est un sentiment fort et précipité et une inclination radicale qui pousse fortement l’homme à reconnaitre l’existence d’un Dieu qui a créé l’univers et le gère. Tous les humains ont en commun ce sentiment sans exception depuis le début de la création et jusqu’à ce qu’Allah hérite la terre et tout ce qui s’y trouve. Tous : jeune et vieux, savant et ignorant, civilisé et arriéré, philosophe et paresseux partagent ce sentiment comme le confirme le verset suivant : « Acquitte-toi des enseignements de la religion en pur monothéiste. Telle est la nature sur laquelle Allah a originellement Créé les hommes. » (Sourate al-Rūm, les Byzantins, v. 30)
Cependant, si la nature primordiale est le moyen le plus disponible permettant à l’homme de connaitre son Seigneur, elle pourrait été atteinte de certaines maladies morales et des vicissitudes sociales et environnementales qui la corrompent et le détournent de son rôle crucial dans la vie humaine. En tête de ces maladies et vicissitudes, nous trouvons les tentations et les séductions de Satan. Viennent ensuite d’autres maladies comme l’athéisme et l’égarement des parents, le trouble de l’environnement intellectuel et mental, la domination du matérialisme, le culte du corps, la déification de l’homme, et le fait de se consacrer au monde d’ici-bas et de négliger l’au-delà.
Dans un hadith qudsī (rapporté d’après Allah, le Très-Haut), le Prophète (pbAsl) a attiré notre attention sur cette vérité disant : « Et j’ai créé tous mes serviteurs comme des monothéistes purs, et les démons sont venus à eux et les ont détournés de leur religion, leur ont interdit ce que je leur avais rendu licite, et les ont ordonnés d’associer avec moi des divinités qui n’ont été nanties d’aucun pouvoir de Ma part. » Rapporté par Muslim et d’autres.
Par conséquent, le discours de la raison dans le Coran est le seul sur lequel on s’appuie pour savoir les obligations, la récompense et le châtiment.
Nous, les personnes affiliées à la connaissance et les détenteurs de la science, devrions nous rappeler, à l’exemple du Prophète (pbAsl) à qui Allah a Ordonné : « Et rappelle, car ce rappel est utile aux croyants ! » (Sourate al-Dhāriyāt, les Ouragans, v.55), et encore : « Exhorte donc, -pour peu que l’exhortation soit utile ! En tirera profit celui qui craint [Allah] » (Sourate al-A‘la, le Très-Haut, v. 9-10]
Je me rappelle à moi-même et à vous que la science et la raison sur lesquelles l’Islam a été basé et a appuyé toutes ses obligations, petites ou grandes, sont instituées dès le premier mot révélé. Cette science et cette raison sont sur le point de céder la place dans notre vie contemporaine à des mélanges de pensées, d’illusions et de fantasmes qui ont dominé - ou presque - les esprits, la façon de penser et la méthode de recherche de la vérité, et influencé négativement nos sociétés en y semant les suspicions et les méfiances. Ces mélanges ont également affecté la stabilité et la cohésion des peuples, qui constituent la condition sine qua non de la renaissance, du développement et du progrès des pays.
Il est donc regrettable de dire que ces soupçons et ces caprices sont devenus le critère décisif susceptible de distinguer la vérité du mensonge, le vrai du faux. La confusion et l’incertitude que produisent ces soupçons sont devenues la seule vérité acceptable au point que celui qui s’attache au critère de la raison et qui s’éclaire par sa logique et ses normes commence à ressentir une aliénation solitaire, car le chemin de la vérité est parsemé de soupçons tordus, d’allégations sombres et de généralisations ravageuses. Si la lumière de la preuve et l’éclat de l’argument existent, la fausseté et le luxe seront éliminés et le bruit des voix appelant à ces soupçons seront coupés. En effet, il est vrai de mentionner ici ce dicton qui dit : « Le mensonge reste, car la vérité en est insouciante. » Qu’Allah rend gloire à l’Imam al-Ghazali quand il dit dans son livre « Critère décisif de la distinction entre L’Islam et l’hérésie » : « Si celui qui ne sait pas se taisait, la différence entre les créatures serait réduite. »
Par ailleurs, le Noble Coran confirme cette vérité lorsqu’il nous ordonne d’interroger ceux qui détiennent le savoir à propos des sujets dont nous ne connaissons pas la vérité et que seuls les érudits en savent mieux. Allah, le Très-Haut dit : « Interrogez à leur sujet, si vous ne le savez pas déjà, ceux qui détiennent les Écritures. » (Sourate al-Naḥl, les Abeilles, v.43). Et dans un autre verset, Il nous interdit d’avoir recours aux soupçons pour juger : «Ô croyants ! Évitez de trop conjecturer sur les autres, car il est des conjectures qui sont de vrais péchés. » (Sourate al-Ḥujurāt, les Appartements, v.12). Et encore : « alors qu’ils n’en savent rien, mais suivent en cela de simples conjectures. Or, les conjectures ne sauraient tenir lieu de certitude. » (Sourate al-Najm, l’Etoile, v.28).
De même, le Prophète, (pbAsl) a averti sa ’Ummah de prendre la conjecture comme critère par lequel ils reconnaissent la réalité des choses, et portent des jugements, comme si elle était la seule vérité incontestable. Il dit donc : « Méfiez-vous de la conjecture, car la conjecture est le discours le plus mensonger » hadith agréé. Ce hadith indique que quiconque s’appuie sur la conjecture et l’adopte comme moyen pour acquérir la connaissance est menteur, et imposteur accablé de péchés. Ce qui est pire dans cette approche erronée est qu’elle propage l’hostilité, la haine et la trahison mutuelle qui sont l’un des fléaux qui suscitent la rancœur dans les poitrines et le fait d’éprouver l’amertume de la douleur